La transition fût d’abord linguistique. Dès le matin, les salutations habituelles furent données en français pour la première fois depuis le départ d’Ilanz. Après avoir traversé le village de Cressier en chantier suite aux violentes intempéries de la fin du mois de juin, l’expédition climatique avait rendez-vous avec Stephanie Penher de l’Association transports et environnement (ATE), ainsi que messieurs Daniel Märki, Enrique Espin et Gilles Vollin de la raffinerie VARO de Cressier.

Installé sur les hauteurs du village avec une vue plongeante sur la raffinerie, Madame Penher a présenté le tout dernier Masterplan de l’ATE pour “un trafic sans énergie fossile”. L’objectif d’avoir des transports sans carburants fossiles en Suisse d’ici 2050 est réalisable, pour autant que des mesures soient prises rapidement. Ces mesures sont non seulement d’ordre technologiques (type de motorisation, de carburants, de véhicules), mais également comportementales (réduction de la demande de transports, transfert vers la mobilité douce). Si nous souhaitons être ambitieux, l’objectif pourrait même être atteint en 2040.

Nous ne partons pas de zéro, nous sommes en période de transition l’affirme Monsieur Espin de la raffinerie Varo. Pour le moment, les carburants fossiles sont toujours nécessaires et la raffinerie de Cressier, qui assure 30% des besoins de la Suisse, permet de garantir une qualité et une performance environnementale de ses carburants parmi les meilleures du monde. En témoigne la part de biocarburants réalisée grâce à des déchets, et qui suit un contrôle strict (déchets uniquement, aucune concurrence avec la production agricole etc.), tout comme son approvisionnement par pipeline et non par bateau, rail, ou route. La raffinerie se voit comme un acteur actif de la transition écologique mais regrette le manque de direction donné par le monde politique sur le futur énergétique. Comme discuté avec l’ATE, une substitution complète des énergies fossiles par l’électrification du parc automobile sans changement de comportements et sans alternatives n’est pas une solution viable. Est également regrettée la quasi marginalisation de la raffinerie part le monde politique, classifiant trop rapidement cette dernière comme simple producteur et non comme acteur disposant de capacités d’actions sur la scène de la transition écologique. La discussion fut lucide, nourrie, sincère.

Rien de tel que de continuer à marcher pour méditer sur les présentations, questions et autres débats passionnants auxquels nous venions d’assister. Le magnifique cadre du jardin botanique de Neuchâtel permis de retrouver Monsieur Denis Torche, responsable du dossier politique climatique à Travail.Suisse, l’organisation faîtière des travailleuses et travailleurs suisses. Il était question du “Plan d’action de Travail.Suisse pour une politique climatique sociale”. Par le passé, le monde syndical observait d’un œil méfiant les différentes mesures prisent dans le cadre des politiques climatiques, dans le sens où les répercussions sur les travailleuses et travailleurs n’étaient que peu prises en compte. Le “Green Deal”, qui doit permettre à la Suisse d’être complètement décarbonée d’ici 2050, doit absolument être un “Social Deal”. Cette métamorphose de notre société à venir, soit des branches complètes de notre économie, des emplois, des conditions de travail, des répartitions des revenus, des aspects de formation, doit impérativement s’accompagner de mesures de justice sociale fortes. Le Plan propose 21 revendications, volontaristes d’un point de vue climatique également, qui doivent désormais trouver un portage politique. Malgré le récent refus de la loi sur le CO2, Monsieur Torche souligne la force de ce Plan et des nombreuses opportunités qui s’offrent à nous. Si malheureusement beaucoup de choses sont à reprendre, elles pourront se nourrir d’idées nouvelles, ambitieuses, et surtout, sociales.